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7 octobre 2022 5 07 /10 /octobre /2022 05:22

Hello les blogos ! Ha nie la blogose !

 

Auguste Mougnard éprouva une certaine appréhension à se rendre dans un endroit qui lui était étranger à la fois par sa modalité et par la modernité du lieu. Il hésita maladroitement au seuil puis finit par pousser la porte et entra. Des effluves floraux et piquants lui prirent le nez et il émit un toussotement confus.

Une jeune femme l’accueillit avec un sourire candide et frais.

- Bonjour, vous aviez rendez-vous ?

Il n’en fallait pas plus pour un malaise supplémentaire. Auguste Mougnard fouilla sa poche et il en sortit un papier coloré, bredouilla un  « non » à peine audible et tendit à la jeune femme le coupon gagnant de la loterie du dernier marché. A l’annonce du « treize », son numéro fétiche, il avait en effet remporté une coupe gratuite chez la nouvelle coiffeuse lors de l’anniversaire dudit marché, un « bazar bio» pour néoruraux qui se déroulait tous les vendredis sous la halle. Auguste y avait participé, lui qui ne goûtait que peu aux choses contemporaines des « bobos » polychromes, et il avait cédé à l’achat d’un coupon pour les beaux yeux d’une artisane qui confectionnait des savons naturels. « Savon naturel », tu parles d’un truc à la con. Plus naturelle qu’une eau de Cologne, y’avait pas mieux pour se laver les dessous-de-bras et le cul. Un savon au gingembre ? Et pourquoi pas au poireau ?

La coiffeuse prit son coupon et sourit.

- Ah c’est vous l’heureux vainqueur ? Je vous en prie, asseyez-vous, je m’occupe de vous dans un instant. Vous voulez un café en attendant ?

Un café ? C’était quoi ce salon de coiffure ? Et depuis on offrait un café autre part que dans un bar ? N’importe quoi. C’était sans doute cela qu’on appelait le progrès. Le progrès, le progrès, le progrès, l’horizon blafard des existences. Il signifiait depuis peu le bien-être dans des salons, la liberté des enfants, le savoir, l’internet, tout ce qui tournait le dos aux choses noires de la campagne et au temps jadis. Il était dans le superplastique 2DPA-1, le tirzepatide contre le diabète de type 2 et le désert médical, l’eau en bouteille et le tout-à-l’égout, les vacances Uber, la continuation des études et l’Iphone. Il faut être de son temps, disait-on à l’envi, comme une preuve d’intelligence et d’ouverture d’esprit.

Auguste Mougnard s’assit. La coiffeuse lui tendit le café et retourna vers une cliente aux cheveux roux.

« J’espère qu’elle travaille aux ciseaux et pas avec ce genre de tondeuse de merde qui fait un bruit de cigale nasillarde ! » pensa Auguste tout en sirotant son breuvage. Il était bon et chaud. Il lui rappela pourtant toutes les images crépusculaires des premières années de guerre, avec les flaques lumineuses d’un dimanche d’été en Normandie, celles des rêves où les parents morts ressuscitent, où l’on marche sur des routes indéfinissables.

Quand elle revint, la coiffeuse tenait à sa main une belle paire de ciseaux flambant neuve.

« Ben millo diù ! Le progrès n’a pas encore niqué tout le passé ! »

Auguste sourit.

 

Chronique largement inspiré d’extraits des livres de Annie Ernaux.

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