Hello les blogos ! Ploum Ploum la blogose !
Allez zou, aujourd’hui, je laisse tomber mes accoutrements habituels et j’enfile un pull vert à col roulé trop étroit, un jean noir à revers et des espadrilles bleues, et je me prénomme désormais Gaston, Lagaffe de mon nouveau nom. Je suis Gaston Lagaffe et je regarde le monde tel qu’il est. Souvenez-vous, à l’époque, j’étais considéré comme fainéant et paresseux, jugeant le travail rémunéré comme contraignant et avilissant, et étais estimé comme un écologiste éclairé et combatif. Ce qui semble plutôt subjectif du côté « fainéant et paresseux », tant mes inventions ont demandé des efforts considérables et des réflexions notables et fertiles. La modestie n’est pas mon fort bien que peu enclin à l’autosatisfaction.
Mes compagnons de fortune, une souris, un chat et une mouette rieuse et chafouine, sont morts depuis longtemps. Moi-même, j’ai vieilli et il me reste peu de temps avant de brouter les pissenlits par la racine. Bref, je regarde le monde actuel et je serais tenté de déclamer un ultime « M’enfin » eu égard à ce que je vois.
M’enfin donc ! Tout d’abord, l’écologie. Il y a cinquante ans de cela, avec d’autres consœurs et confrères, nous avions déjà révélé combien nous allions buter un jour ou l’autre dans un mur de belle fabrique. Nous y sommes à ce jour et au-delà même de ce que nous avions imaginé. Jusqu’à prédire l’extinction de l’humanité, du moins une bonne partie, la plus pauvre au début, après celle de la biodiversité. Et quid des réactions et des réponses ? Elles sont à peu près aussi apathiques que je ne l’étais quand je pionçais avec délice. Et Dieu sait si mes rêves étaient pourtant nourris et fournis. Mais là, force est de constater que l’inertie confine au déni. Quant au travail rémunéré, contraignant et avilissant selon moi, il continue néanmoins à être fortement discrédité, à tel point que les humains d’aujourd’hui recherchent, sinon du sens, du moins une toute autre orientation, qu’elle soit collective ou individuelle, voire que ledit travail, celui essentiel et impératif, soit plus rémunéré et considéré. Quant à ma paresse d’antan, elle est aujourd’hui plus que jamais dépréciée, si ce n’est vilipendé. M’enfin derechef.
Et encore, je ne parle pas de mon hostilité envers les militaires et les armes de toute sorte. Les pays les plus démocratiques s’enorgueillissent des ventes faramineuses des divers armements et on a même désigné un général chargé de superviser la reconstruction de Notre-Dame de Paris. De quoi sortir à nouveau mon gaffophone pour éradiquer cette engeance mortifère. Mais je suis pacifique, ce qui est une abomination en ce monde nouveau. Allez savoir pourquoi ?
Outre cela, un point positif et anecdotique, mes prétendues abominations gastronomiques sont aujourd’hui au menu des restaurants les plus prestigieux. Ma fameuse recette de la morue aux fraises, avec mayonnaise chantilly aux câpres et flambée au pastis, n’aurait rien à envier aux falafels de chou-fleur aux amandes, aux brownies au bacon et sirop d’érable, voire le « Twister » d’Heston Blumenthal réalisé à partir d’une mousse de saumon fumé au thé qui alterne avec de fines couches d’avocat et de crème au raifort. Alors, merci qui ?
En-dehors de cet aspect secondaire, je suis tout de même désorienté de ce présent et de l’avenir qui nous échoit. Moi, je pensais, en toute humilité, vu le succès de mes aventures initiées par Franquin, que j’allais faire, comment dit-on aujourd’hui, jurisprudence ?, c’est ça, jurisprudence dans certains de mes choix de vie et la façon que j’avais à la pratiquer. Je pensais que, selon l’évolution gaie chère aux progressistes, nous allions nous employer à respecter la nature, à l’observer, à se réjouir du lever du soleil, à prendre le temps de prendre son temps, à dormir et à se passionner pour la sieste, à déconner avec les potes, à être joyeusement transgressif, à aimer Mademoiselle Jeanne, enfin surtout moi, à inventer des trucs de ouf et à boire du coca. Bon, paraît-il que le coca, c’est d’la merde. Mais « Rogntudjuuu », quelle bonne merde tout de même ! Or, il n’en est rien. Enfin, de façon générale.
Bref, tout ça pour dire que ce monde à la « De Mesmaeker », c’n’est pas trop mon truc. Bien que je les aime bien, y’a également beaucoup trop de Fantasio et Prunelle dans tout c’bordel. Qu’est-ce que ça gueule ! Du silence, du respect et de la lenteur ! Oups ! Je m’énerve moi aussi. C’n’est pas trop mon genre. Allez zou, j’vais aller faire un tour avec ma Fiat 509, puis jouer du gaffophone en plein air et inviter tous mes potes à becqueter mon fameux cabillaud à l’ananas.
Ça vous dit ?