L'almanachronique

Il fut un temps où lors d’une soirée, avec la compagne avec qui je partageais l’ensemble de mes mycoses, j’ai rencontré l’une de ses amies qui était professeure de philosophie dans un lycée privé. La soirée se passe à merveille et vient l’instant où, en charge d’un armagnac salvateur, les propos s’intensifient et s’élèvent dans les hautes sphères de la raison. Du moins le crus-je. Car, je ne sais pour quels motifs, la discussion aborde la question de l’homo sapiens et son origine, voire son dessein. Et là, effarement absolu, la dite professeure de philosophie rechigne à considérer la théorie darwinienne et lamarckienne comme rationnelle. Bon me dis-je, soit l’armagnac est dégueu et n’insuffle pas ce qu’il dût habituellement susciter, soit la quatrième dimension n’est pas que fictive. « Et l’homo sapiens, lui rétorque-je, il vient d’où alors ? » Et ne voilà-t-il pas que l’enseignante accorte me répond : « Dieu ! » Je me meus sur mon siège et me demande alors si elle veut dire « Dieu » dans son sens gascon de « Millo Diù », manière de hâbler à l’image de Cyrano, que nenni me dit-elle, et la voilà de se lancer dans une diatribe contre la « pensée unique », déjà à l’époque, et de réfuter la dite théorie en demandant des preuves souveraines de la descente de l’homo sapiens de son arbre.

C’est alors que je lui dis d’aller se faire foutre, à l’époque le MeToo n’avait pas cours et j’étais con, et, afin de clore le débat qui n’en était pas un, je lui réplique tout de go que d’abord il ne descend pas de l’arbre mais sort de l’eau, et qu’ensuite il ne mérite pas certaines de ses descendances. Et paf ! Bon bien entendu la soirée part en vrille et j’ai depuis cessé de considérer les philosophes comme des sages vénérables dont les paroles m’abreuvaient mieux qu’un armagnac, fusse-t-il de Darroze. Coucou Onfray.

Pourquoi dis-je cela ? Comme toujours, en raison du changement climatique. Car oui, autre conséquence de celui-ci, et invariablement dans l’indifférence des gros cons élus, élus me semble-t-il par nous, l’incidence de l’inexorable montée des eaux. Vous voyez où veux-je en venir ? Ben oui, une pensée à la conne susdite, l’homme vient des océans et voilà que les océans lui reviennent à la gueule façon Cecil B. DeMille dans « Les Dix Commandements ».

Une montée des eaux qui, en France, va toucher pas moins de 864 communes répertoriées, dont 126 en urgence, avec l’Outre-mer en exergue. Bien que le département le plus touché sera le Finistère avec 23 communes, Finistère qui pour le coup porte à merveille son nom.

Et je ne peux m’empêcher, malgré le spleen induit, de penser à tous ces gros cons de gras-doubles nantis qui, bravant bien souvent la loi littoral, ont construit d’infâmes boursouflures battues par les embruns épicés, infâmes boursouflures qui coûtent un bras et qui, de ce fait, perdront toute valeur dans un futur proche. Je ris jaune et pas seulement de veau.

Une pensée néanmoins aux prolétaires côtiers mais permettez-moi cette ironie du sort et cette petite vendetta immobilière.

« Le mer qu’on voit monter le long des golfes clairs a des reflets mordants… »

Aujourd’hui 5 mai, c’est le « jour du dépassement » pour la France, échéance emblématique où les françaises et français consomment davantage de ressources naturelles que la nature n’a la capacité d’en produire. Petit rappel, en 1970, ce jour-là intervenait le 29 décembre. Ridicule.

Bon, une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on fait ? D’autant plus qu’en ce jour même deux célébrations s’affrontent, celle de la naissance en 1818 de Karl Marx et celle de la mort de Napoléon en 1821. Un choix cornélien. Que célébrer ? La venue capitale d’un philosophe teuton ou l’ad patres d’un fureur corse ? (Oui je dis « fureur », n’ayant jamais su écrire « führer »)

Ploum Ploum !

Bon alors, que fait-on ? Gueuler ou donner des solutions ?

Va pour les solutions.

Consommer moins de ressources naturelles. Quelles sont-elles et comment s’en passer ?

L’énergie. Bois, pétrole, gaz et peut-être une once de nucléaire. Mais propre le nucléaire. Comment s’en passer ? Faciiiiile ! Tout d’abord, faire une grève générale et ne plus aller bosser, ne pas se chauffer comme le préconisait Castex, ne plus voyager ailleurs, ailleurs c’est nul, foutre en l’air nos smart-phone et ordinateurs individuels, exiger des voitures à pédales, ne plus produire des biens inutiles, du robot-ménager au vibromasseur, non pas le vibromasseur, du robot-ménager au vélo électrique, bande de fainéants idiots, et ne pas télécharger le dernier album de M. Dans son premier, tout était là. Un peu comme Manu Chao.

La bouffe. Comment s’en passer ? Euh non. Comment moins ou mieux consommer ? Faciiiiile ! En dehors d’être pauvre bien entendu. Moins consommer de viande, grâce à la grippe aviaire, c’est déjà le cas, prévu cet été une pénurie de magret, favoriser la pêche et la chasse plutôt que l’élevage, ben oui, faire son jardin potager (pour les citadins, défoncez le bitume), réapprendre la cueillette sauvage, trouver des recettes originales pour bouffer tiques, aoûtats et moustiques, et abandonner la culture de légumes à la mords-moi-l’nœud, de la pomme de terre, de la pomme de terre et de la pomme de terre.

L’eau. Ne plus en boire. C’est dégueulasse. Les cuves vinicoles sont pleines, et avec la pénurie de bouteilles en verre, faut relancer le cubi et vider le stock. Ne plus se laver. Uniquement le cul et les aisselles.

Quant aux autres ressources naturelles, ne plus acheter de fringues neuves, à poil, c’est pas mal, on fera tout de même une sélection, ne plus extraire de minerais, surtout en Chine, ne pas trop respirer, l’air de rien, récupérer des ruines plutôt que construire de nouvelles masures, pour cela abattre les propriétaires de celles-ci qui croient posséder un diamant, et enfin pratiquer la vasectomie générale.

Merci qui ?